A quand un épiscopat à la hauteur de sa charge?

Un épiscopat à la hauteur - chemin de croix

Il s’agit désormais d’une routine : la réunion plénière du mois de novembre de la Conférence des Evêques de France est devenue le lieu privilégié de révélations fracassantes sur les abus sexuels commis par des membres du clergé, suivie des désormais rituelles et incontournables, demandes de pardon.

En 2021, le rapport Sauvé pointait la « responsabilité institutionnelle de l’Eglise » dans des faits sordides d’abus sexuels, occultés pendant des décennies, commis par des membres du clergé sur des mineurs

En 2022, ce sont des évêques, dont un cardinal, qui sont mis en cause pour des “comportements inappropriés“ dont on ignore cependant, pour certains, le degré précis de gravité.  Ils seraient onze prélats dans ce cas. Leurs noms étant inconnus du grand public la suspicion est ainsi jetée sur l’ensemble du corps épiscopal. Et chacun de s’interroger : mon évêque fait-il partie du lot de ces tristes sires ?

Une repentance très incomplète

La machine à repentance s’est enclenchée. Mgr de Moulins-Beaufort, Président de la CEF, dans un texte émouvant, a demandé pardon aux enfants victimes de ce qu’il faut bien appeler des monstres abusant de leur autorité sacerdotale ou épiscopale. D’où vient cependant ce goût d’inachevé, d’incomplétude ?  De ce qui n’a pas été dit et qui concerne, tout simplement, Dieu. Ces turpitudes sexuelles sont aussi, et peut-être d’abord, une atteinte gravissime à l’amour de Dieu, une offense infinie à sa justice. Ces hommes que Dieu a choisis, ces mains que, par l’onction sainte, Il a consacrées pour bénir et pardonner sont devenus les instruments du péché. Abominable sacrilège ! Et sans doute l’un des plus graves des péchés, celui qui souille l’innocence de l’enfance. Celui dont les auteurs méritent d’être jetés à la mer avec une meule au cou (Lc XVII, 2). La disproportion entre cette sentence évangélique et la séance de repentance collective, un genou en terre devant la basilique de Notre-Dame de Lourdes a quelque chose de surréaliste. « Voyez comme je suis humble ! » Le cri des enfants souillés demande justice, l’honneur de Dieu bafoué exige réparation. La prédiction de la Sainte Vierge à La Salette, en 1846, s’avère plus que jamais d’actualité :

« Les prêtres, ministres de mon Fils, les prêtres, par leur mauvaise vie, par leurs irrévérences et leur impiété à célébrer les Saints Mystères, par l’amour de l’argent, l’amour de l’honneur et des plaisirs, les prêtres sont devenus des cloaques d’impureté ».

La ligne de défense esquissée par le cardinal André Vingt-Trois, ancien archevêque de Paris : « Ce n’est pas pire que sous les Borgia » laisse pantois. Il y a quelque chose de profondément pathétique à entendre un cardinal, 60 ans après l’ouverture du Concile qui devait amorcer « l’authentique renouveau de l’Eglise » se réjouir de ce que « la situation n’est pas pire que sous les Borgia ». Tout ça pour ça a -t-on envie de dire.  Avoir détruit de fond en comble un édifice bi-millénaire, rejeté un héritage prestigieux, sauvagement persécuté ceux qui restaient attachés à ce patrimoine et à la tradition apostolique pour aboutir à ce constat minimaliste : « Ce n’est pas pire que sous les Borgia ». On croit rêver !

Enfin, depuis 25 ans, le pape et les évêques nous ont abreuvés de repentances. Ils demandaient publiquement pardon pour les fautes qu’auraient commises leurs anciens : les croisades, l’inquisition, la colonisation, l’antisémitisme, etc. Chacun était appelé à célébrer et louer les modèles d’humilité et de vertu qu’avait suscités le « renouveau conciliaire ». Une nouvelle race de prélats et de prêtres s’était, enfin, levée. Penchée sur la misère des pauvres et de la terre, loin des ors des palais où réside le pouvoir, libérée de toute compromission constantinienne avec les puissants du jour. Las ! Ils n’ont pas vu ce qui crevait les yeux. Que la perte du sens du péché, le relâchement des mesures prudentielles, l’abandon des pratiques pénitentielles, l’exaltation de l’épanouissement personnel et du plaisir au détriment de l’amour de la pénitence et de la croix, à la suite de Jésus crucifié, tout cela mènerait inéluctablement aux pires errements. Ils ont dénoncé la paille qui était, prétendument, dans l’œil de leurs anciens, ignorant la poutre qui était dans le leur.

Le prêtre est un pécheur

Dans la liturgie romaine traditionnelle, avant d’offrir le saint Sacrifice le prêtre confesse, publiquement, devant toute l’assemblée qu’il est pécheur. C’est la récitation du Confiteor que le prêtre prononce seul. Le peuple implore ensuite pour lui la miséricorde divine : « Que le Dieu Tout-Puissant vous fasse miséricorde, qu’il vous pardonne vos péchés et vous conduise à la vie éternelle ». La liturgie réformée a supprimé cet aveu public et personnel de la condition de pécheur du prêtre dans une prière commune avec les fidèles. Lourde erreur pédagogique à en juger par les résultats !

De repentances continues en pardons répétés le peu d’autorité qu’il restait aux évêques de France est en train de fondre comme neige au soleil. Comme le rappelait Jacques Chirac, le rôle du chef est de « cheffer ». Le chef qui passe sa vie à demander pardon pour ce qu’il a fait ou n’a pas fait n’est pas crédible. Il n’est, tout simplement, pas à la hauteur de sa mission. Dépourvu de l’auctoritas qui est l’autorité qu’il rayonne car les personnes dont il est responsable sont convaincues qu’il prend les bonnes décisions pour le bien commun, il ne peut plus s’appuyer que sur la potestas c’est-à-dire le pouvoir coercitif que lui donne sa position dans l’appareil du pouvoir.

 Alors que, face aux horreurs qui souillent le visage de l’épouse du Christ, les laïcs et les prêtres qui essayent de rester fidèles aux promesses de leur baptême et aux exigences de l’Evangile aspirent à une réforme intellectuelle et morale qui remettrait Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai homme, au centre de la vie de l’Eglise, le synode sur la synodalité poursuit son chemin mortifère et, nonobstant les propos rassurants de Mgr Aillet à Lourdes, la persécution contre les fidèles attachés à la Tradition de l’Eglise se poursuit. Comme le disait Mgr Crépy, évêque de Versailles, sur ce point il faut « être ferme ». Pour le reste…  Le paradoxe est que les abus de pouvoir se multiplient alors que l’exercice de la véritable autorité, qui fait grandir ceux qui y sont soumis, tend à disparaître.

Le peuple abandonné continue de demander le pain de vie, la foi et les sacrements, à ses pasteurs, qui, en réponse, trop souvent, lui jettent des pierres. Cette demande il la fait aux hommes, aux anges et à Dieu. Dans l’espérance surnaturelle et la charité militante de ceux qui savent, de science certaine, qu’on ne peut se tromper en restant fidèle à 2 000 ans d’Eglise. Priant le ciel de ne pas devoir reprendre à son compte le constat de Jean Madiran en conclusion de L’hérésie du XXème siècle, s’adressant aux évêques de France : « Vous êtes des misérables ».

Jean-Pierre Maugendre

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18 réponses

  1. L’abolition définitive en 1964 par Paul VI de la prière à Saint Michel Archange, ordonnée à la fin de toutes les messes basse et composée par le Pape Léon XIII, déjà sérieusement édulcorée en 1934, est un des fruits vénéneux du Concile. Paul VI pensait certainement que les graves menaces pesant sur l’Eglise, entrevues au cours d’une extase terrible par son prédécesseur, s’étaient évanouies au contact des « Lumières » du Concile.
    De même, l’abolition du « Serment antimoderniste » imposé en 1910 par Pie X à tous les candidats à la prêtrise pour bloquer, voire éradiquer toutes les idées hérétiques pernicieuses qui commençaient à miner l’Eglise, est un autre parmi les « exploits » du Pape Paul VI.
    Le même Paul VI, dans une incohérence rare, ne se lamentait-il pas plus tard:
    « Par quelque fissure les fumées de Satan ont envahi le Temple de Dieu !!! ». Aucun de ses successeurs n’a encore osé déclarer que ces « fumées » sataniques s’étaient enfin dissipées. Quoique… avec le Pape François, tout est possible, tout est envisageable …
    Ne nous étonnons donc pas de la situation catastrophique de notre Eglise en 2022, 60 ans après ces hauts faits. Même si Jean Paul II a plus tard timidement avancé que la Prière à St Michel Archange n’était pas interdite et pouvait être récitée à chaque messe, il aurait pu à nouveau l’imposer: Il ne l’a pas fait. L’Eglise post conciliaire se fait un point d’honneur de ne plus RIEN imposer, sauf bien sûr aux traditionnalistes et en toute charité, cela va de soi…

    1. Une des premières démarches du Pape François est la Bénédiction de la statue de saint Michel le vendredi 5 juillet 2013 ! ( je rappelle qu’il a été élu le 13 mars de la même année) …Alors calmez vous J. Dumont !

      De quel côté sommes nous ?… Du côté de Dieu, de l’Oeuvre qu’Il accomplit à travers Sa sainte Église ? …

      « Voyez chez les nations, et regardez ! Soyez dans la stupeur et la stupéfaction ! Car je ferai en votre temps une œuvre que vous ne croiriez pas, si on la racontait » Ha 1, 5

  2. « 26Quand la tige poussa et produisit l’épi, alors l’ivraie apparut aussi.
    27 Les serviteurs du maître vinrent lui dire : “Seigneur, n’est-ce pas du bon grain que tu as semé dans ton champ ? D’où vient donc qu’il y a de l’ivraie ?”
    28 Il leur dit : “C’est un ennemi qui a fait cela.” Les serviteurs lui disent : “Veux-tu donc que nous allions l’enlever ?”
    29 Il répond : “Non, en enlevant l’ivraie, vous risquez d’arracher le blé en même temps.
    30 Laissez-les pousser ensemble jusqu’à la moisson ; et, au temps de la moisson, je dirai aux moissonneurs : Enlevez d’abord l’ivraie, liez-la en bottes pour la brûler ; quant au blé, ramassez-le pour le rentrer dans mon grenier.” » Matthieu 13, 26-30

    Le synode, entre autres, sert juste de révélateur de la réalité (la présence de l’ivraie)
    D’où vient l’ivraie ?… du démon.
    Le silence du Pape François, répond à la demande de Jésus (laisser-les pousser ensemble)

    Bientôt la Moisson.

  3. Merci de mettre des mots sur ce qui est en train de se passer réellement…. Mais ce n’est pas « La machine à repentance » qui s’est enclenchée mais bien la prise de conscience progressive des abominations… notamment face à la pureté ; en 2022 les uns et les autres débutent le combat spirituel qu’ils ont refusé d’affronter précédemment… ( ne cherchons pas des explications rationnelles, comme ils essaient de le faire pour sortir du marasme dans lequel l’humanité s’est enfoncée même au sein de l’Église) les démonstrations en tous genres, les comparaisons et même les « c’était mieux avant » ne remplaceront jamais la nécessité de la douleur personnelle vécue en esprit et en vérité face à Dieu, au pied de la Croix.
    Cette prise de conscience de notre misère appellera la Miséricorde… aucun de nous ne peut y échapper dans son cheminement spirituel vers le Père. Le peuple de Dieu souffrant, éclairé par la vie offerte de son Seigneur n’a pas attendu les évêques pour retrouver le chemin de la prière, de la charité fraternelle et de la confiance en Dieu.

    1. Combien sont ceux qui osent encore s’avouer de nos jours, avec sincérité selon les paroles mêmes du « Memorare »:
      « Gémissant sous le poids de mes péchés » ?

  4. Cher Monsieur,
    Je sais tout le mal qu’un commentaire flagorneur peut faire à la modestie de son auteur. Mais pourtant, laissez moi mal agir en vous remerciant une fois de plus pour ce grand article. Votre pensée est rigoureuse, votre expression est limpide, votre indignation est juste. Soyez remercié de nous aider à voir clair et droit.
    (Si vous me permettez un pessimisme personnel, je ne dirais pas que les propos de Mgr Aillet soient rassurants : il annonce simplement que, la force n’ayant pas donné les résultats escomptés, c’est la « douceur paternelle » et le temps, qui seront mis au service d’un but inchangé, l’extinction progressive des communautés traditionnelles.)

  5. S’il n’y avait pas la parole de Notre Seigneur Jésus-Christ, que les portes de l’enfer ne l’emporteront pas sur l’Eglise, il est bien vrai qu’il y aurait lieu aujourd’hui de désespérer. Notre Eglise a vécu bien des turbulences au cours de son long passé, soyons certains qu’elle se relèvera encore ; à vrai dire, même si je prie pour le pape quand on me le suggère lors de la messe, je n’attends plus rien de positif du pontificat actuel, qui me semble toujours plus éloigné de ce que devrait être son action pour l’annonce de l’Evangile (sa raison d’être !). Que l’ Esprit Saint nous éclaire, nous guide, nous inspire et nous console, nous en avons bien besoin.

    1. Le Pape François le fait quotidiennement d’annoncer l’Évangile (tweet et autres réseaux ) ! … de le vivre, de l’annoncer et d’inviter à le vivre ! Il ne prend pas de pincettes avec nous qui sommes sensés avoir reçu la foi, qui sommes sensés être en lien avec le Christ, qui sommes sensés accomplir la Volonté de du Père à la suite du Christ ! Le Bon Dieu ne nous demande pas d’avoir une vision globale critique de la sainte Église mais de le laisser Lui, agir à travers notre vie, le laisser Lui, aimer à travers notre cœur ceux qui nous sont confiés …

      1. Rébecca je me demande quel Evangile annonce le pape Bergoglio : l’Evangile de Pachamama ? l’Evangile de « Fratelli tutti » qui est un texte maçonnique ? l’Evangile d’Amoris Laetitiae qui autorise les adultères à communier ? l’Evangile des migrants et de l’islamisation de l’Europe ?
        l’Evangile de la fraternité humaine d’Abu Dhabi ? l’Evangile des synodes qui détruisent un peu plus la doctrine de l’Eglise ?
        L’évangile de Bergoglio n’est pas l’Evangile de Notre Seigneur.
        Cet évangile inventé par Bergoglio à la suite de la révolution de Vatican II est l’évangile de Satan.

        1. Le Pape souffle le chaud et le froid. À côté des scandales que vous citez et qui ne sont pas, ne seront jamais, l’Évangile, il dispense aussi au quotidien les courts enseignements évoqués par Rebecca, qui, eux, sont conformes à l’Évangile et à l’esprit chrétien. Mystère que ce Pape aux deux visages.

          1. Merci Joseph.
            Qui peut comprendre le mystère du règne de Dieu dans les cœurs de ceux qui le reçoivent ? Qui peut comprendre le mystère de l’accomplissement de la Parole de Dieu dans la vie de ceux qui sont soumis à la Volonté du Père ? Le Pape François ne prétend pas être la Tête de l’Église … Qui peut sonder les pensées. du Christ ?
            Les réponses sont dans l’Évangile et dans la vie de ceux qui portent en eux le regard tendre de Jésus sur l’humanité.

          2. Joseph j’aimerais savoir quels sont « les courts enseignements évoqués par Rebecca, qui, eux, sont conformes à l’Évangile et à l’esprit chrétien. » Ce que je vois est que M Bergoglio reste silencieux sur les abominations des évêques allemands et belges qui vont toujours plus loin dans la destruction de la foi et morale catholiques (par exemple les évêques belges ont décidé de bénir les couples homosexuels).
            Le même Bergoglio a nommé le dénommé Paglia à la tête de l’académie pontificale pour la vie. Paglia est favorable à l’avortement et à la contraception !!! Pas moins. On n’en finirait pas de dénombrer tous les scandales de ce sinistre pontificat.
            Non décidément ce pape continue à une vitesse folle la destruction de la foi et la morale à la suite de ses prédécesseurs qui ont mis en oeuvre la révolution de Vatican II.

          3. En effet Monseigneur Aillet, évêque bienveillant, nous prévient délicatement qu’en aucune façon les ennemis n’abdiquerons. Le remplacement de la doctrine Catholique est une œuvre qu’ils souhaitent mener à bout, y préférant la nouvelle religion anthropologique collant parfaitement aux souhaits du mondialisme athéistique et autre « droits de l’homme ».

            De notre côté nous ne nous laisserons jamais imposer, par une clique ayant perdu toute légitimité, leurs doctrines schismatiques de remplacement, particulièrement en France ou l’emprise des idées maçonnique est désormais visibles jusque sur les bancs de nos églises. Les mauvais élèves dépassant les maîtres !

        2. « Mais, quand nous-mêmes, quand même un ange du ciel annoncerait un autre Évangile que celui que nous vous avons prêché, qu’il soit anathème !” (Galates 1:6-8).
          Si le Pape lui-même s’écarte un tant soit peu de l’Evangile ou le « tord » à sa manière pour nous faire avaler l’une de ses lubies, ce qui hélas lui prend parfois, eh bien qu’il soit anathème lui aussi !

  6. Bravo Jean-Pierre,

    En effet, à quand une repentance spirituelle marquante des évêques, ensemble, marchant pieds nus, sac de bure, portant une lourde croix, de Notre-Dame à la Sainte-Chapelle, par ex ?
    Ou bien partant tous ensemble à Saint-Jacques de Compostelle ?
    Quel bel exemple, ce serait !
    Et chacun se sentirait mieux et peut-être ainsi nous donneraient-ils un exemple ? Et, au monde, un signe ?

    S’il te plait, suggère à Dominique Lebrun de chercher quelque chose de ce style avec ces pauvres évêques perdus, pleutres, et trop obéissants à François !

    Merci Jean-Pierre,
    Sophie, ancienne du MJCF.

    1. Si les évêques obéissaient à François ils passeraient leur temps à accueillir les plus pauvres, les plus seuls ou les plus malades : « les trésors de l’Église » (saint Laurent) ou à être à leur service.

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