25 mars 2022 : une consécration véritable… quoique incomplète.

Texte de Yves de Lassus, Cap Fatima

Le 2 mars dernier, Mgr Shevchuk, primat de l’Église gréco-catholique d’Ukraine, demandait officiellement au Saint-Père de consacrer la Russie et l’Ukraine au Cœur Immaculé de Marie, conformément à la demande de Notre-Dame à Fatima. Le 15 mars, le bureau de presse du Vatican annonçait : « Le vendredi 25 mars, (…) le Pape François consacrera la Russie et l’Ukraine au Cœur Immaculé de Marie. »

L’acte du 25 mars

L’étonnement général causé par cette nouvelle fit vite place à une grande espérance. Le jour-même, la CELAM fit savoir que les évêques d’Amérique latine se joindraient à cette consécration. Deux jours plus tard, la conférence des évêques des États-Unis annonça également sa participation.

Le 18 mars, le Saint-Siège annonçait que le pape François « avait invité les évêques du monde entier et leurs prêtres à se joindre à lui pour (…) consacrer et confier la Russie et l’Ukraine au Cœur Immaculé de Marie. » Après l’Angelus du dimanche 20 mars, François déclara : « J’invite chaque communauté et chaque fidèle à s’unir à moi vendredi 25 mars (…), pour accomplir un acte solennel de consécration de l’humanité, en particulier de la Russie et de l’Ukraine, au Cœur immaculée de Marie, afin qu’elle, Reine de la paix, obtienne la paix pour le monde. »

 Le lendemain, François adressait une lettre à tous les évêques pour les « inviter à s’unir à cet acte, en convoquant, dans la journée du vendredi 25 mars, les prêtres, les religieux et les autres fidèles à la prière communautaire dans les lieux sacrés, afin que le saint Peuple de Dieu fasse monter vers sa Mère la supplique, unanime et pressante ». À la lettre était joint le texte de la consécration.

François prononça effectivement cette consécration solennellement dans la basilique Saint-Pierre le 25 mars, peu après 18h30, juste après une cérémonie pénitentielle, en présence de plusieurs évêques et cardinaux et d’une assemblée nombreuse. Après une longue demande de pardon, François dit notamment : « Mère de Dieu et notre Mère, nous confions et consacrons solennellement à ton Cœur immaculé nous-mêmes, l’Église et l’humanité tout entière, en particulier la Russie et l’Ukraine. »

Depuis, nombreux sont ceux qui affirment qu’enfin le pape a consacré la Russie conformément à la demande de Notre-Dame à Fatima. Qu’en est-il exactement ?

Une véritable consécration

Le terme « consacrer » figure deux fois dans l’acte ; la Russie est nommément désignée ; et l’acte est bien adressé au Cœur Immaculé de Marie. C’est la première fois qu’au cours d’une cérémonie officielle, le pape prononce publiquement, dans une même phrase, les mots : « Je consacre … la Russie … au Cœur Immaculé de Marie. » Le seul à l’avoir fait avant lui est Pie XII dans Sacro vergente anno du 7 juillet 1952. Mais c’était juste une lettre apostolique envoyée aux évêques de Russie. À l’époque, le texte ne fit pas grand bruit.

De plus, outre ceux du CELAM et de l’USCCB, une grande partie des évêques du monde organisèrent des cérémonies dans leur diocèse et demandèrent aux paroisses et communautés religieuses d’organiser des cérémonies à leur niveau. En France, sur les 91 évêques en poste, Jeanne Smits en dénombra 83, soit 90%, qui répondirent favorablement. Jean-Paul II en 1984 ne réussit pas à obtenir une telle réponse.

C’est donc un acte historique, car c’est la première fois qu’une consécration va aussi loin dans la satisfaction des demandes de Notre-Dame.

Une consécration non complètement conforme

Toutefois, à côté de ces points éminemment positifs, d’autres sont plus regrettables. Tout d’abord, il n’est jamais question de Fatima, ni dit que cette consécration est une réponse à la demande de Notre-Dame.

Il n’est également fait aucune allusion à la dévotion réparatrice des premiers samedis du mois, dévotion pourtant clairement demandée par Notre-Dame le 10 décembre 1925. Et si elle n’en reparla pas dans sa demande de consécration de la Russie le 13 juin 1929, l’année suivante, par deux fois, Notre-Seigneur précisa à sœur Lucie, qu’Il « mettrait fin à la persécution en Russie, si le Saint-Père daignait faire, et ordonnait aux évêques du monde catholique de faire également, un acte solennel et public de réparation et de consécration de la Russie aux très Saints Cœurs de Jésus et de Marie, Sa Sainteté promettant, moyennant la fin de cette persécution, d’approuver et de recommander la pratique de la dévotion réparatrice ». En 1937, Mgr da Silva, l’évêque de Leiria-Fatima, transmit textuellement cette demande à Pie XI.

Enfin, la Russie n’a pas été le seul objet de la consécration alors que toute sa vie sœur Lucie affirma que, de par la volonté de Notre-Seigneur, seule la Russie devait être mentionnée. Notamment en 1936, Il lui dit : « Je veux que toute mon Église reconnaisse cette consécration [de la Russie] comme un triomphe du Cœur Immaculé de Marie, pour ensuite étendre son culte et placer, à côté de la dévotion à mon Divin Cœur, la dévotion à ce Cœur Immaculé. »

C’est pourquoi, en mai 1989, quatre ans après la consécration de 1984 par Jean-Paul II, sœur Lucie déclara au cardinal Law, archevêque de Boston : « [La consécration a-t-elle été] faite selon les strictes conditions de la consécration collégiale que Notre-Dame a demandées ? Non, cela n’a pas encore été fait. »

Un acte étonnamment minimaliste

La consécration elle-même fut d’une choquante sobriété. En effet, elle suivit une célébration pénitentielle d’une heure et demie, pendant laquelle il ne fut jamais question de cette consécration. Après trois lectures suivies d’une homélie d’un quart d’heure sur l’Annonciation, le pardon et le sacrement de pénitence, le pape partit se confesser, puis avec de nombreux prêtres confessa durant un peu plus d’une demi-heure, pendant que le chant de la chorale alternait avec des pièces d’orgue. La cérémonie s’acheva à 18h30 par une prière d’action de grâce et une bénédiction.

Ensuite, sans transition, le pape rejoignit le centre du chœur où avait été placée une statue de Notre-Dame de Fatima. Il s’assit, prononça l’acte de consécration envoyé trois jours plutôt, puis déposa aux pieds de la Sainte Vierge une gerbe de fleurs apportée par deux enfants. Après avoir encensé la statue, il quitta la basilique pendant que l’assemblée chantait un chant à la Sainte Vierge : la cérémonie de la consécration avait duré moins de quinze minutes ! Il était difficile de faire moins. Placée juste avant la fin de la cérémonie, sa brièveté fut renforcée par la longueur de la célébration qui précéda, donnant la pénible impression qu’elle était faite à contre-cœur. La grâce si attendue d’une paix générale dans le monde ne méritait-elle pas une véritable cérémonie dont la consécration aurait été le centre, avec instruction préalable et entourée par la récitation du chapelet, demande si insistante de Notre-Dame à Fatima ?

De plus, pendant la consécration, François resta seul au milieu du chœur : pas un cardinal ou évêque ne l’entoura pour réciter la prière de consécration, manifestant l’union de tous les évêques. Et il resta assis tout le temps. Son genou ne lui permettait pas de s’agenouiller. Mais, n’aurait-il pas pu se lever, au moins pour prononcer la phrase de consécration ? Il se leva bien pour la lecture de l’Évangile au début de la cérémonie

Qu’attendre d’un tel acte ?

Si la consécration ne satisfait pas toutes les conditions précisées par Notre-Dame, elle est malgré tout plus complète que toutes les précédentes. Aussi en recevrons-nous sûrement une grâce. Car, après la consécration de 1942 par Pie XII, sœur Lucie confia à son confesseur : « Il [Notre-Seigneur] promet la fin de la guerre pour bientôt, eu égard à l’acte qu’a daigné faire Sa Sainteté. Mais comme il fut incomplet, la conversion de la Russie sera pour plus tard ». Et un an après la consécration de 1982, sœur Lucie déclara à Mgr Sante Portalupi : « De cette consécration du monde, nous pouvons attendre quelques avantages, mais pas la conversion de la Russie. »

Or l’acte de François fut sans conteste plus complet que les consécrations de 1942 et 1984. En conséquence, nous pouvons en attendre une grâce analogue, à savoir l’écourtement de la guerre en Ukraine. Mais, l’acte étant toujours incomplet, nous pouvons aussi ajouter : « La consécration de la Russie n’est pas pour maintenant » ; et « L’occident continuera à répandre ses erreurs dans le monde, provoquant des guerres et des persécutions contre l’Église. »

Que faire ?

Tout d’abord, remercier le Ciel pour cette consécration qui nous apportera sûrement une normalisation de la situation en Ukraine, éloignant la perspective d’une troisième guerre mondiale.

Ensuite, il faut continuer à prier pour obtenir l’éradication des erreurs répandues par le système mondialiste, et ainsi avoir une véritable paix dans le monde. Pour cela, il faut compléter à notre niveau les demandes non encore satisfaites.

Pour ce qui concerne la consécration de la seule Russie, nous ne pouvons rien faire, sinon prier le Saint-Esprit d’inspirer le Saint-Père de la faire. En revanche, nous pouvons, et même nous devons, dès à présent pratiquer assidûment les premiers samedis du mois. En effet,  la consécration de la Russie, est sans doute un des fruits de la consécration de nombreux pays le 25 mars 2020, au début de la crise covidienne. Aussi, la reconnaissance des premiers samedis du mois n’arrivera-t-elle probablement que lorsqu’un aussi grand nombre de conférences épiscopales ou de diocèses auront recommandé cette dévotion.

Alors, remercions Dieu pour la consécration du vendredi 25 mars. Et que tous les premiers samedis du mois soient désormais pour nous comme une fête d’obligation.

                                                                            

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